Le système nerveux central exerce une forte influence régulatrice sur le système cardiovasculaire en réponse aux exigences environnementales. Une méthode nommée flottaison en isolation sensorielle ou par réduction de la stimulation environnementale, minimise la stimulation provenant de l’environnement. Une étude de 2021 a permis de mettre en lumière l’effet anxiolytique marqué de la flottaison en isolation sensorielle sur des patients anxieux.
1. Qu’est-ce la flottaison en isolation sensorielle ?
La flottaison en isolation sensorielle est une expérience dans laquelle le patient flotte sur le dos dans une eau sursaturée en sulfate de magnésium (Sel d’Epsom) avec une concentration d’environ 1 kg de sel d’epsom pour 1 litre d’eau.
Cette expérience est conçue pour minimiser la stimulation visuelle et auditive, la température de l’eau et de l’air est ajustée pour être équivalente à celle de la peau, et les effets de la pesanteur sur la tension musculaire sont considérablement réduits grâce à l’eau salée. Ce processus a été créé par le Dr John C. Lilly et Glenn Perry dans les années 1970.
La flottaison en isolation sensorielle est aujourd’hui possible à titre récréatif dans des centres dédiés à cette activité, organisés en cabines individuelles.
2. Quel est l’effet de la flottaison sur le niveau d’anxiété ?
Une étude scientifique a été organisée par le Dr Feintein afin de mesurer l’effet anxiolytique de la flottaison en isolation sensorielle. Cette étude visait à caractériser plus en détail les changements cardiovasculaires induits par la flottaison en isolation sensorielle et à déterminer si ces changements étaient associés à son effet anxiolytique.
Pour ce faire, des équipements sans fil et étanches ont été utilisés pour mesurer la fréquence cardiaque, la variabilité de la fréquence cardiaque, la fréquence respiratoire et la pression artérielle pendant une séance de flottaison en isolation sensorielle, ainsi que pendant une expérience de comparaison consistant à regarder un film relaxant (reportage sur la nature).
De nombreuses conditions de santé mentale, comme la dépression majeure et l’anxiété, semblent affecter la variabilité de la fréquence cardiaque, une mesure importante de la fonction du système nerveux autonome.
3. Explication des termes scientifiques
Avant de plonger dans les détails de cette étude, il est important de comprendre certains termes scientifiques. Le système nerveux autonome (SNA) est une composante essentielle du système nerveux qui gère de manière indépendante diverses fonctions corporelles involontaires. Il joue un rôle central dans la régulation de processus vitaux tels que la fréquence cardiaque, la pression artérielle, la respiration, et les processus digestifs.
Le SNA est divisé en deux branches principales : le système nerveux sympathique et le système nerveux parasympathique. Le système nerveux sympathique est souvent décrit comme le mécanisme de « lutte ou de fuite ». En période de stress ou de danger, il stimule le corps, accélérant le rythme cardiaque, augmentant la pression sanguine, dilatant les bronches pour améliorer l’apport d’oxygène et libérant de l’adrénaline pour préparer le corps à une réaction rapide.
D’autre part, le système nerveux parasympathique est associé à des états de calme et de relaxation, agissant comme un contrepoids au système sympathique. Il est souvent désigné comme le mécanisme de « repos et de digestion », car il aide à ralentir le rythme cardiaque, à réduire la pression sanguine, à favoriser la digestion et la récupération des ressources énergétiques de l’organisme.
Ainsi, le SNA assure une équilibration fine des fonctions corporelles, répondant aux changements de l’environnement interne et externe de l’individu. La variabilité de la fréquence cardiaque (VFC) est une mesure de la variation du temps qui s’écoule entre chaque battement de cœur. Elle est considérée comme un indicateur important de la flexibilité et de la santé du système nerveux autonome, qui régule entre autres le rythme cardiaque.
Une VFC élevée indique généralement un système nerveux sain, capable de s’adapter efficacement aux changements environnementaux.
À l’inverse, une faible VFC peut signaler un stress chronique ou des troubles de la santé, tels que la dépression ou l’anxiété. La VFC est souvent mesurée par le biais d’électrocardiogrammes ou d’appareils similaires.
a. 37 participants souffrant d’anxiété ont participé à cette étude sur la flottaison en isolation sensorielle
L’étude a porté sur 37 participants anxieux qui répondaient aux critères d’inclusion et d’exclusion et qui ont participé aux conditions de flottaison et de visionnage de film sur la nature.
Tous les participants anxieux présentaient un ou plusieurs troubles anxieux, couvrant un spectre large de stress et d’anxiété, incluant le trouble d’anxiété généralisée, le trouble d’anxiété sociale, le trouble panique, l’agoraphobie et le trouble de stress post-traumatique.
La plupart des participants anxieux présentaient également une dépression majeure comorbide. Deux tiers des participants étaient sous médication stable (depuis 6 semaines ou plus) avec un ou plusieurs médicaments psychotropes.
Au début de cette étude, tous les participants anxieux étaient fortement anxieux et déprimés, avec des scores moyens de groupe bien au-dessus de la plage de gravité clinique. 20 participants non anxieux ont également été recrutés à titre de comparaison avec la même démographie que l’échantillon anxieux. Ces participants n’avaient pas d’antécédents de maladies neurologiques ou psychiatriques et ne prenaient pas de médicaments psychotropes.
Les 37 participants cliniquement anxieux et les 20 participants non anxieux ont été assignés de manière aléatoire à subir soit une séance de 90 minutes de flottaison en isolation sensorielle, soit à titre de comparaison à regarder un film de nature relaxant.
b. L’étude montre qu’une séance de flottaison permet d’abaisser la pression artérielle et le rythme respiratoire et résulte en une baisse de l’anxiété et une augmentation de la sérénité.
Les participants qui ont fait de la flottaison ont connu des diminutions marquées de plusieurs paramètres : la pression artérielle diastolique et systolique, le rythme respiratoire et de certains paramètres de la variabilité de la fréquence cardiaque par rapport aux participants regardant le film. Ainsi, la baisse de pression artérielle est observée pour la pression artérielle systolique (baisse de 4% environ) mais surtout de la pression artérielle diastolique (baisse de près de 11%). Concernant la fréquence cardiaque, la baisse observée est de l’ordre de 6% dans le groupe de la flottaison. Le fréquence de respiration baisse du même ordre de grandeur.
Par ailleurs, l’étude montre la bonne corrélation entre la diminution du rythme respiratoire et de la pression artérielle d’une part avec l’augmentation de la sérénité et la baisse de l’anxiété des participants anxieux d’autre part. (note : L’évolution de la sérénité et de l’anxiété sont mesurables grâce à des tests fiables, notamment les tests OASIS et PANAS-X). Par ailleurs, cette étude a permis de mettre en évidence un autre effet intéressant. Les patients anxieux ont une grande sensibilité à l’anxiété, ce qui signifie qu’ils craignent les sensations liées à l’anxiété, surtout celles qui proviennent du corps (battement cardiaque ou rythme de respiration).
Curieusement, il a été constaté que l’environnement de flottaison améliore chez les patients anxieux la conscience de ces sensations intéroceptives, en particulier celles provenant du système cardiorespiratoire. Cela pourrait suggérer que la flottaison peut permettre de briser l’association négative existant entre ces sensations viscérales et l’anxiété, et la remplacer par une association positive grâce à un état de relaxation.
Conclusion
En conclusion, ces résultats suggèrent que la flottaison en isolation sensorielle diminue l’excitation sympathique et modifie l’équilibre du système nerveux autonome en faveur d’un état plus parasympathique.
Par conséquent, cette technique de flottaison pourrait potentiellement servir comme une intervention non-pharmacologique pour les personnes souffrant de troubles anxieux, en offrant un moyen efficace pour atténuer leur anxiété et améliorer leur bien-être général.
Les résultats de cette étude pourraient avoir des implications cliniques importantes pour le traitement de l’anxiété.
0 commentaires